Invité à Montpellier par l'Idate, l'ancien étudiant en droit de l'Université de Paris 2 répond à mes questions, en français.
CNM : Que répresente aujourd'hui le marché chinois de l'internet ?
En janvier 2006, une société d'étude évaluait le marché chinois de l'internet à 119.5 millions d'internautes, soit le second marché mondial, après les USA, avec 11.1% des internautes de la planète. En juin, l'administration chinoise donnait le chiffre de 123 millions d'internautes. Selon moi, si l'on y ajoute la consommation du web sur les téléphones portables, la Chine compte déjà plus de 150 millions d'internautes et sera le premier marché du monde, dès le début 2007. En outre ce marché progresse d'au moins 20% par an.
En terme de durée d'utilisation, les internautes chinois sont déjà les plus gros consommateurs avec 17.9 heures par semaine, loin devant les Japonais (13.9), les coréens (12.7) et les américains (11.4). (Source : Ipsos Insight 2006)
CNM : Ces bonnes performances se transforment-elles en recettes publicitaires ?
Insuffisamment. En 2004, le marché publicitaire en ligne a pesé 330 M$ US. il progressera de 54% cette année pour dépasser 500 M$ US, soit moins de 2.5% du marché publicitaire du pays, contre 4.6% aux USA. Nous devrions atteindre 5-6% dans les 2 ou 3 ans. Nous y serons aidés par la dynamique des JO de Pékin.
CNM : Quelle est la position de Sina.com ?
Huit ans après notre création, nous sommes le premier portail web de Chine avec 155 millions d'utilisateurs enregistrés, 550 millions de pages vues par jour, 40 millions de visiteurs uniques par jour et 18 millions d'utilisateurs de services payants. Nous sommes le site préféré de 30.9% des internautes chinois (en seconde position, Sohu, est le portail préféré de 13.4% des internautes). Nous sommes également le premier support publicitaire en ligne avec environ 100 M$ US de recettes (30% du marché) et 1 345 annonceurs (contre 800 pour Sohu).
CNM : Comment imaginez-vous le web 2.0 ?
Chez nous il existe déjà, ce n'est plus une nouveauté. Sina est le premier hébergeur de blogs (qui génèrent 100 millions de pages vues chaque jour) et nous sommes le premier diffuseur de vidéos sur internet. Nous avons des sites communautaires comme Myspace et nous avons lancé le concept de Yahoo questions /réponses bien avant Yahoo.
Paradoxalement, j'ai une vision très humaine du web du futur. Ainsi, dans le contexte du web 1.0, nous mettions en ligne 50 000 articles ou brèves par jour rédigés par 500 éditeurs intégrés. Aujourd'hui, dans notre web 2.0, des dizaines de milliers d'internautes et (bloggers) postent 150 000 contributions chaque jour et 500 éditeurs de Sina se chargent de les classer, de les hierarchiser et de les mettre en avant auprès de notre public.
CNM : Quelles sont aujourd'hui vos priorités ?
Notre stratégie repose sur les 4C : Contenus, Communications, Communautés et Commerce. Et le contenu est notre priorité. Nous devons renforcer notre offre et notamment en vidéo. Nous concluons ainsi des accords avec de nombreux producteurs fournisseurs chinois et internationaux. Nous sommes déjà le diffuseur web exclusif de 12 chaînes TV et 8 radios chinoises. Nous avons les droits web sur les matchs de l'Uefa. Chaque année, nous achetons pour environ 1 million d'euros de contenus photos et vidéos en Europe, comme par exemple à l'Afp. Le football est un bon exemple de succès remporté par les contenus forts et exclusifs : cette année pour la Coupe du Monde en Allemagne, nous avons enregistré près de 60 millions de visiteurs uniques autour de cet événément.
CNM : Pourriez vous investir dans les médias traditionnels, presse, radio ou TV comme vient de le faire Google aux USA ?
Nous avons joué la convergence des médias bien avant eux et ce fut un échec. Nous avions investi dans une chaîne TV de HK, Sun TV. Nous en sommes toujours actionnaire mais cela ne nous a rien rapporté, ni synergie, ni revenus. Ce n'est pas notre métier. Nous n'avons pas l'intention de réitérer la diversification malheureuse de Vivendi.
CNM : Shanda a récemment revendu 40% des actions Sina qu'il détenait, un investisseur allemand a pris 6% de votre capital en avril dernier et est deveu votre second actionnaire, recherchez-vous d'autres partenaires capitalistiques internationaux ?
Nous sommes cotés en bourse (à NY et HK) et chacun est libre d'acheter nos actions ! En revanche, nous sommes prêts à des partenariats avec des sociétés étrangères et occidentales, si l'apport est réel pour les deux parties. Nous pourrions imaginer deux types de coopération : les technologies et les contenus.
Quelle est la relation de Sina avec la France ?
Nous aimons les coopérations culturelles, notamment avec la France. Sina a été le portail partenaire des années croisées Chine / France (en 2004/2005) et plus récemment d'une autre manifestation culturelle française "croisement". Nous avons aussi financé le voyage en France de créateurs de mode chinois et nous achetons et diffusons beaucoup de contenus achetés à l'Afp.
Les opérateurs télécoms sont ils des concurrents de Sina ?
Certainement pas ! Nous sommes un de leurs fournisseurs de contenus et services. Cette activité représente même environ 50% de notre chiffre d'affaires. Les opérateurs télécoms fixes nous apportent de plus en plus d'utilisateurs web, notamment en haut débit. Les opérateurs mobiles nous apportent de nouveaux usagers. Sur les plus de 400 millions d'utilisateurs mobiles chinois, au moins 75 millions sont en 2.5 G et peuvent donc surfer sur internet. C'est beaucoup plus qu'au japon (36 millions) ou aux USA (14 millions). Les télécoms et l'internet sont deux secteurs complémentaires et partenaires.
Propos recueillis par Pierre-Yves Lochon, le mercredi 15 novembre 2006, aux journées de l'Idate, à Montpellier.
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